Les
carnets
de Vincent «Ti-pooh» Godbout
Les derniers jours ont été particulièrement mouvementés. Tout d'abord, j’ai fait une rechute. Il paraît que Billy-Rubine est revenue me visiter. Je ne m’en suis pas rendu compte. Il faut dire que j’ai beaucoup dormi. Je me fie à ce que Papa et le docteur Gagné m’ont dit.
Les derniers jours ont donc été ponctués de sommeil, de boires et de visites à l’hôpital. Je crois que j’ai beaucoup inquiété Maman et Papa. D’ailleurs, j’ai surpris Maman verser plusieurs larmes pendant que je mangeais. Papa me dit que c’est parce qu’elle était fatiguée, mais je ne suis pas sûr qu’il me dise tout. Je pense vraiment que Maman était inquiète.
Hier, nous sommes allés encore une fois à l’hôpital. J’ai entendu dire Maman que c’était la sixième fois en quatre jours que nous y allions. Comme d’habitude, l’infirmière m’a piqué le pied, elle a fait une prise de sang, elle m’a pesé et elle a pris ma température. J’avais faim. J’étais impatient de manger et je n’aimais pas la façon qu’elle avait de me tâter le pied. Enfin, c’était bientôt fini et j’ai pu manger à ma faim.
Un peu plus tard, j’ai entendu l’infirmière donner des informations à Papa et Maman et ils ont paru soulagés d’entendre que j’avais pris du poids et que Billy-Rubine semblait plus petite. C’est possible de devenir plus petit?
Sur
une note plus heureuse, j’ai reçu de la visite en
fin de
semaine. J’ai finalement pu rencontrer Grand-Maman
Françoise et Grand-Papa Guy. Ils sont venus donner
un coup
de main à Papa et Maman qui semblent avoir beaucoup
apprécié la visite. Ils n’ont
pas
cessé de le répéter tout le temps.En plus, j’ai rencontré Mamie. C’est la grand-maman à Papa. Elle est très gentille. Nous ne nous sommes pas vus très longtemps, mais suffisamment pour que je reçoive plein de beaux cadeaux. Mamie et Oncle Yvan m’ont apporté deux nouveaux lits. Il y en a un qui est en forme de bateau dans lequel j’ai dormi. C’est amusant, car je peux dormir dans la même pièce que Papa et Maman. L’autre lit, je vais l’essayer plus tard. Papa n’a pas eu la chance de le monter encore.
En plus du lit, j’ai reçu une tonne de nouveaux jouets. Papa m’a dit que j’en aurais pour des mois à tous les découvrir. C’est long ça des mois?
Il y a un jouet en particulier qui m’intrigue. Il paraît que c’est Tati Anna et Oncle Claude qui me l’ont envoyé. Je ne comprends pas encore comment on joue avec. Il est suspendu sur le mur de ma chambre pour l’instant. C’est très coloré et plein de trucs sur lesquels je peux tirer. Papa m’a dit que ce serait pour un peu plus tard, quand je serais mieux. J’ai bien hâte.
Alors que je visitais l’hôpital pour la première fois depuis mon retour à la maison, Mémé-Joh m’a envoyé une autre lettre. Voici ce qu’elle a écrit :
Salut Petit Prince.
Le Petit Prince dont ton papa t’a parlé habite très très loin d’ici, sur une autre planète appelée B 612. Tu n’as donc pas à craindre qu’il te fasse concurrence. Mais un jour, il est venu faire un tour sur Terre pour voir ce qui s’y passait. C’est un pilote d’avion qui l’a accueilli. Ce pilote se nommait Antoine de Saint-Exupéry et il nous a raconté l’histoire du Petit Prince de la planète lointaine. Ainsi avons-nous appris que le Petit Prince du pilote avait trois amis : une rose, un mouton et un renard.
Toi, tu es une autre sorte de petit prince, une sorte très spéciale. Tu es unique au monde. Oui! Oui! Unique au monde parce que tu es notre petit prince à nous. Et, en vrai petit prince unique au monde, tu nous fais bien rire.
Par exemple, tu m’as bien fait rire quand tu as demandé comment la grosse boîte verte pouvait remonter le fleuve… Mais non, ce n’est pas un bateau. La grosse boîte verte est une voiture. Elle a quatre roues, comme la poussette. Quand elle fait tourner ses quatre roues, elle peut remonter le fleuve en le longeant sur le plancher des vaches.
Un bateau n’a pas de roues. C’est construit à peu près comme un berceau ou comme l’écaille d’une noix de Grenoble. Au beau milieu, les marins y dressent un mât et y attachent une voile… parfois deux. Quand le vent souffle, les marins prennent le large et guident le bateau. C’est ainsi que les bateaux remontent eux aussi le fleuve, mais sur l’eau, en flottant. Bientôt, tu deviendras un marin comme Jean-Paul (ton arrière-grand-père Martin), comme grand-papa Alain et Mémé-Joh, comme Tonton Yvan et Tonton Claude et comme ton papa Guillou. Lorsque tu le seras, tu auras ton propre bateau et… tu le feras flotter pour remonter le fleuve.
Tu te demandes aussi pourquoi acheter tout ce qu’il faut pour que Maman puisse manger un bon repas? Un jour apparaîtra dans ta petite bouche une série de perles blanches. Alors, tu comprendras. Je te réserve donc la surprise.
Mais, dis-moi, cher petit prince très spécial ? Combien de questions as-tu ainsi en réserve dans ta tête? Pendant combien de temps me les déballeras-tu en surprise comme des papillotes de l’Halloween?
Au cas où tu avais l’intention d’imiter ton papa Guillou et Tonton Yvano, je t’avertis. Si tu me poses une question additionnelle le lendemain de ton vingtième anniversaire, je te répondrai :
« Parce que, c’est ça pis c’est comme ça. Pasque-pique ».
En attendant, nous avons quelques années devant nous.
Je t’embrasse, cher petit prince très spécial.
Mémé-Joh
P.-S. : J’avais oublié, petit prince. Tu me poses bien des questions. J’en ai une pour toi. J’aimerais savoir pourquoi « Mémé-Joh est drôle »?
Le Petit Prince dont ton papa t’a parlé habite très très loin d’ici, sur une autre planète appelée B 612. Tu n’as donc pas à craindre qu’il te fasse concurrence. Mais un jour, il est venu faire un tour sur Terre pour voir ce qui s’y passait. C’est un pilote d’avion qui l’a accueilli. Ce pilote se nommait Antoine de Saint-Exupéry et il nous a raconté l’histoire du Petit Prince de la planète lointaine. Ainsi avons-nous appris que le Petit Prince du pilote avait trois amis : une rose, un mouton et un renard.
Toi, tu es une autre sorte de petit prince, une sorte très spéciale. Tu es unique au monde. Oui! Oui! Unique au monde parce que tu es notre petit prince à nous. Et, en vrai petit prince unique au monde, tu nous fais bien rire.
Par exemple, tu m’as bien fait rire quand tu as demandé comment la grosse boîte verte pouvait remonter le fleuve… Mais non, ce n’est pas un bateau. La grosse boîte verte est une voiture. Elle a quatre roues, comme la poussette. Quand elle fait tourner ses quatre roues, elle peut remonter le fleuve en le longeant sur le plancher des vaches.
Un bateau n’a pas de roues. C’est construit à peu près comme un berceau ou comme l’écaille d’une noix de Grenoble. Au beau milieu, les marins y dressent un mât et y attachent une voile… parfois deux. Quand le vent souffle, les marins prennent le large et guident le bateau. C’est ainsi que les bateaux remontent eux aussi le fleuve, mais sur l’eau, en flottant. Bientôt, tu deviendras un marin comme Jean-Paul (ton arrière-grand-père Martin), comme grand-papa Alain et Mémé-Joh, comme Tonton Yvan et Tonton Claude et comme ton papa Guillou. Lorsque tu le seras, tu auras ton propre bateau et… tu le feras flotter pour remonter le fleuve.
Tu te demandes aussi pourquoi acheter tout ce qu’il faut pour que Maman puisse manger un bon repas? Un jour apparaîtra dans ta petite bouche une série de perles blanches. Alors, tu comprendras. Je te réserve donc la surprise.
Mais, dis-moi, cher petit prince très spécial ? Combien de questions as-tu ainsi en réserve dans ta tête? Pendant combien de temps me les déballeras-tu en surprise comme des papillotes de l’Halloween?
Au cas où tu avais l’intention d’imiter ton papa Guillou et Tonton Yvano, je t’avertis. Si tu me poses une question additionnelle le lendemain de ton vingtième anniversaire, je te répondrai :
« Parce que, c’est ça pis c’est comme ça. Pasque-pique ».
En attendant, nous avons quelques années devant nous.
Je t’embrasse, cher petit prince très spécial.
Mémé-Joh
P.-S. : J’avais oublié, petit prince. Tu me poses bien des questions. J’en ai une pour toi. J’aimerais savoir pourquoi « Mémé-Joh est drôle »?
Il a l’air sympathique le Petit Prince de M. Saint-Exupéry. J’aimerais bien le rencontrer, lui et ses amis. Ça me rassure, par contre, d’apprendre que je suis unique au monde. Ça me fait tout plein de petits « tigilis » de l’entendre.
Je ne comprends toujours pas la différence entre les automobiles et les bateaux. J’en ai un maintenant et on y dort aussi bien dans l’un que dans l’autre. Faut croire que c’est avec l’expérience que je pourrais enfin comprendre…
Je ne veux pas faire choquer Mémé-Joh, mais j’ai encore des questions : C’est quoi une papillote? C’est quoi l’Halloween? Mémé-Joh, quand tu parles de perles blanches, est-ce que c’est comme celles de Papa et Maman ?
Mémé-Joh veut savoir pourquoi je la trouve drôle. C’est parce qu’elle me parle beaucoup. Je la trouve drôle, parce qu’elle me parle de toutes sortes de choses merveilleuses et fantastiques. Je la trouve drôle, parce que… Parce que c’est Mémé-Joh. Je ne suis pas supposé la trouver drôle?
Une dernière chose, Nathalie est venue me rendre visite aujourd’hui. Elle était très gentille comme d’habitude. Elle m’a pesé et elle semblait très impressionnée de mon poids. Il paraît que je pèse même plus que lors de ma naissance, 3,58 kg, je crois. C’est le docteur Gagné qui va être contente. Elle insistait beaucoup sur mon poids. Papa me disait tout bas, que la pression pour le poids avait déjà commencé pour moi, mais qu’il ne fallait pas que j’en fasse un complexe. Je n’ai pas très bien compris, mais pour célébrer, j’ai passé ma journée à manger. Lors de mon dernier boire, Maman n’en revenait pas à quel point je mangeais. Papa dit que je lui ressemblais quand il avait ses « rages de bouffe ». Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire, mais ça a fait rire Maman. J’aime ça quand j’entends Maman rire.
[2005-05-12]
La vie est une série d'événements qui s'enchaînent les uns après les autres. Jusqu'à maintenant, cet enchaînement était des plus routinier. Je mangeais, je dormais, on me changeait de couche et on recommençait. Cependant, la routine est ponctuée d'évenements exceptionnels, comme si certains maillons de la chaîne étaient irréguliers. La sortie de l'hôpital en est un exemple.
Et bien, au cours des deux derniers jours, j'ai eu droit à deux maillons de ce type. Il y a deux jours, Papa et Maman m'ont emmené marcher dans un drôle de chariot. Ils l'appellent la poussette. J'ai beaucoup aimé, même si j'ai dormi pratiquement tout le temps. Il faisait beau soleil et j'ai pu prendre l'air un peu.
Nous avons marché dans les rues. J'ai pu constater que la boîte verte n'est pas la seule dans le monde. Il y en a plein, de toutes les formes et de toutes les couleurs ! Nous avons vu un parc où des enfants jouaient. En voyant certains petits garçons avec des drôles de bâtons, Papa s'est exclamé que c'étaient des petits Sydney Crosby en devenir. Je n'ai pas très bien compris ce dont il s'agissait. Il paraît que c'est très important les Sydney Crosby ici.
Après la visite du parc, Maman était fatiguée. Elle est rentrée à la maison. Papa, quant à lui, m'amené faire les courses. Nous avons acheté tout ce qu'il fallait pour que Maman puisse manger un bon repas. Je ne comprends pas, pourtant, avec les distributrices, elle a un excellent repas à portée de main. Pourquoi s'embarrasser de toutes ses drôles de choses ? Et puis, ça a l'air dur. Comment fait-on pour avaler?
Enfin, j'ai pu rencontrer de nouvelles personnes. Papa dit que j'ai fait fureur auprès des caissières. Ça doit être les madames derrière leurs boîtes à bip-bip qui s'activent quand on passe devant. C'est vrai qu'elles m'ont fait de beaux sourires.
L'autre maillon, c'est que nous sommes allés faire des courses en famille hier. Papa et Maman avaient besoin de quelques articles pour la maison. Après un boire en après-midi, ils m'ont emmitouflé et ils m'ont placé dans la grosse boîte verte. Puis nous sommes allés dans un grand magasin. J'ai vu des grands pyjamas, des gros sacs remplis d'articles hétéroclites et des étagères remplies de jouets. C'était bien amusant.
Papa m'a acheté une nouvelle couverture et un sac de couches. Ensuite, il s'est acheté des nouveaux « pantalons »: une sorte pyjama sans haut. Il disait que ceux qu'il avait étaient finis.
Hier, Mémé-Joh m'a envoyé une lettre. Elle est drôle Mémé-Joh
Bonjour
petit prince.
Dis-moi, en plus des chattes, te faudrait-il une cage pour ton mouton, un globe pour ta rose et un renard pour te rappeler ce qui est important? Il y a une gentille Nathalie qui vient te visiter pour savoir comment tu te portes? Une dame, tout aussi gentille, venait visiter Mémé-Joh pour savoir comment ton papa Guillou se portait. Un jour, malheureusement, elle a cessé de venir faire son tour. Quand Mémé-Joh a téléphoné à l'hôpital Sainte-Justine pour savoir ce qui se passait, on lui a répondu que les visites de la dame n'étaient plus nécessaires. Mémé-Joh fut bien triste ce jour-là.
Pauvre petit prince! Tu dois déjà apprendre qu'il y a, comme ça, des gens qui entrent et sortent de ta vie sans crier gare. Mais souviens-toi de ceci. Chaque renard à deux pattes que tu croiseras t'apportera quelque chose. Un sourire, un message, une leçon.
Tu ne sais pas où est Montréal et comment on s'y rend? Çà, c'est plutôt compliqué à t'expliquer. Mais je m'essaie.
Alors, voilà.
Pour te rendre à Montréal, il faudra d'abord que Papa Guillou et Maman Julie t'installent dans la curieuse boîte verte. Tu sais? C'est celle qui t'a transporté de l'hôpital à la maison. Ensuite, avec ton papa et ta maman, il faudra faire un très long voyage. C'est que, vois-tu, Rimouski est au pays de tes ancêtres paternels, dans le Bas-du-Fleuve. Montréal, c'est dans le haut du fleuve. En amont, comme on dit dans le métier. C'est d'ailleurs pourquoi on dit « remonter le fleuve ou la rivière ».
Montréal est une très grande ville. Autrefois, on disait que c'était la métropole du Canada. Plus loin encore, dans l'histoire de ton pays, on l'appelait « Ville-Marie ». C'est là que les grands voiliers débardaient leurs marchandises et rapportaient dans les Vieux-Pays les produits de la terre dont tu es né.
Tourlou mon cher petit prince et à bientôt.
Mémé-Joh
Dis-moi, en plus des chattes, te faudrait-il une cage pour ton mouton, un globe pour ta rose et un renard pour te rappeler ce qui est important? Il y a une gentille Nathalie qui vient te visiter pour savoir comment tu te portes? Une dame, tout aussi gentille, venait visiter Mémé-Joh pour savoir comment ton papa Guillou se portait. Un jour, malheureusement, elle a cessé de venir faire son tour. Quand Mémé-Joh a téléphoné à l'hôpital Sainte-Justine pour savoir ce qui se passait, on lui a répondu que les visites de la dame n'étaient plus nécessaires. Mémé-Joh fut bien triste ce jour-là.
Pauvre petit prince! Tu dois déjà apprendre qu'il y a, comme ça, des gens qui entrent et sortent de ta vie sans crier gare. Mais souviens-toi de ceci. Chaque renard à deux pattes que tu croiseras t'apportera quelque chose. Un sourire, un message, une leçon.
Tu ne sais pas où est Montréal et comment on s'y rend? Çà, c'est plutôt compliqué à t'expliquer. Mais je m'essaie.
Alors, voilà.
Pour te rendre à Montréal, il faudra d'abord que Papa Guillou et Maman Julie t'installent dans la curieuse boîte verte. Tu sais? C'est celle qui t'a transporté de l'hôpital à la maison. Ensuite, avec ton papa et ta maman, il faudra faire un très long voyage. C'est que, vois-tu, Rimouski est au pays de tes ancêtres paternels, dans le Bas-du-Fleuve. Montréal, c'est dans le haut du fleuve. En amont, comme on dit dans le métier. C'est d'ailleurs pourquoi on dit « remonter le fleuve ou la rivière ».
Montréal est une très grande ville. Autrefois, on disait que c'était la métropole du Canada. Plus loin encore, dans l'histoire de ton pays, on l'appelait « Ville-Marie ». C'est là que les grands voiliers débardaient leurs marchandises et rapportaient dans les Vieux-Pays les produits de la terre dont tu es né.
Tourlou mon cher petit prince et à bientôt.
Mémé-Joh
C'est quoi cette histoire de mouton, de rose et de renard. Papa m'a dit qu'il s'agissait d'un petit prince. Il y en a d'autres que moi?
La
deuxième visite de Nathalie s'est très bien
passée. Elle était inquiète
de la quantité de tétée que je
faisais, mais je suis tout fier de lui prouver que je vais
bien. Ma peau est encore un peu jaune, mais j'ai pris
50 g en deux jours, ce qui est très bon selon elle.Oulala, c'est compliqué se rendre à Montréal! Mais comment la boîte verte fait-elle pour remonter le fleuve? C'est un bateau? Au fait, c'est quoi un bateau? J'y comprends rien!
Tout ça c'est trop compliqué, je retourne me coucher sur le ventre de Papa... Ou peut-être j'essaierai celui de Maman aujourd'hui.