Les carnets de Vincent «Ti-pooh» Godbout


[2006-01-10]

J'ai eu une lettre de Mémé-Joh en fin de semaine.

Galerie des demoiselles, 6 janvier 2006

As-tu réussi à entreprendre cette longue discussion avec ton papa ? Celle que tu te promettais dans ton dernier carnet au sujet de ce texte sur le Père Noël, sur l’Irlande et sur tant d’autres choses?

D’abord un conseil. Si tu veux discuter avec ton père, prends-toi de patience et vas-y par étape. Ton père discute beaucoup. Quand il commence, on ne sait jamais à quelle heure ça finira. Pour un coup, ça pourrait bien être lui qui te tiendrait éveillé jusqu’aux petites heures du matin et non pas l’inverse. En outre, comme tu annonces pour tenir de race, je ne donne pas cher du résultat si tu ne suis pas le conseil de Mémé-Joh. Ce sera alors ta maman qui en aura plus qu’assez … au bout de trois jours.

Ensuite, voici quelques indices qui t’aideront peut-être.

Au sujet du Père Noël, ton papa devrait encore détenir un cadre dans lequel on trouve un article publié il y a plusieurs, plusieurs années dans le quotidien LeDroit. MéMé-Joh ne se souvient plus du nom de l’auteur de ce texte. Mais si ton papa le retrouve dans son micmac, tu comprendras mieux comment est fait ce gros monsieur qui sait tout, qui mange de la neige au chocolat, qui rit beaucoup et qui, à sa façon, enjolive les éternelles nuits de Noël.

Au sujet de l’Irlande, c’est un peu plus compliqué. Ce l’est parce que tu ne sais pas encore vraiment ce qu’est un pays. Je te l’expliquerai plus tard. En attendant disons que…

L’Irlande a une longue histoire, bien plus longue que la tienne ou que celle de Rimouski. Elle est située tout tout près et à l’ouest de l’Angleterre. Toute de vert couverte, elle est baignée par l’Océan Atlantique et, souvent, ses côtes sont abruptes… dressées un peu comme des forts chargés de la défendre contre les envahisseurs. On y rencontre des moutons et un peuple très fier, combatif et jovial. Ton arrière-grand-père, le Capitaine Jean-Paul, en a rapporté plusieurs légendes et quelques chansons qu’il aimait bien chanter avec Tante May. On dit même qu’un jour, il en a rapporté, dans les cales de son bateau, quelques lutins verts. Mémé-Joh n’a jamais su ce que ces lutins sont devenus exactement. Ce qu’elle sait, c’est qu’ils sont longtemps venus la visiter à la Saint Patrick et que quelques-uns d’entre eux ont même habité sur la rue Conn !

Parlant des lutins, il faudrait peut-être que tu les appelles à ta rescousse pour t’aider à te débarrasser de ce chat que tu avais dans la gorge et qui est descendu plus bas dans tes tuyaux. Il paraît que les lutins transportent avec eux des souris très spéciales qui attirent les chats et les font sortir de leur cachette. Quand les chats sont sortis, elles disparaissent. Je suppose qu’elles retournent dans les petites poches que les lutins gardent toujours sur eux. En tout cas, ça vaut la peine d’essayer et si ça fonctionne, tu pourras enfin célébrer tes huit mois sans photo hosto, sans médicament et sans ce truc qu’on te met sur le nez.

Toujours au sujet de ce chat qui t’agace, Mémé-Joh ne sait pas vraiment ce qu’est une pneu-manie. Elle a eu beau consulter le grand dictionnaire des mots, elle n’a pas trouvé. Faut croire que les livres qui sont supposés tout expliquer ne connaissent pas tout! Il a donc fallu que Mémé-Joh consulte la grande prêtresse du logis. Or, selon la grande prêtresse, une pneu-manie affecte rarement les bébés. C’est une sorte de maladie qui affecte surtout les papas et les grands-papas, généralement à l’automne, avant les neiges et au printemps, avant que la neige disparaisse. Cette maladie les rend très malades et les angoisse beaucoup. Ils se mettent alors à conduire leur voiture dans tous les sens, à attendre un peu partout et à revenir à la maison avec un chat enragé dans la gorge et des poches de pantalon pleines de trous. Je serais donc très surprise que tu souffres d’une pneu-manie! … À moins, évidemment que tu n’aies déjà ton permis de conduire une voiture.

En terminant, ben oui! Ton papa et Monsieur Mulligan ne se sont pas très bien entendus au cours de ton séjour chez Pépé-Alain et Mémé-Joh. C’est que ton papa avait peur que Monsieur Mulligan te fasse mal. Ceci, même quand il cherchait le moyen de te protéger et de te prêter ses propres jouets. Mais Monsieur Mulligan est encore un peu pataud. Alors, quelques fois, il pourrait te blesser avec les meilleures des intentions. C’est ce qui a fait peur à ton papa et à ta maman! Mais, ne t’en fais pas trop. Un de ces jours, tu reviendras et je verrai à ce que vous puissiez jouer ensemble. D'ailleurs, vous l’avez fait quand ton papa et ta maman ne surveillaient pas et que Mémé-Joh était auprès de toi et tout s’est très bien passé. Mais, ça, il ne faut pas le dire à… qui tu sais!

Mémé-Joh

C'est vrai que Papa peut discuter fort quand il le veut.  Cependant, ces jours-ci, il est plutôt calme.  Maman m'a expliqué que je lui avait refilé quelque chose.  Quoiqu'il en soit, il passe sont temps à dormir et à moucher.

Pour ma part, je commence à respirer mieux.  Nous n'avons pas eu d'appel du docteur jeudi soir.  Papa dit que ça veut dire que je ne fais pas de pneu-manie.  Faut croire que Mémé-Joh avait raison, on n'a ça qu'à l'automne et au printemps... Je continue d'utiliser les pompes et de prendre mes médicaments, mais le médecin a téléphoné aujourd'hui.  Je dois aller le voir la semaine prochaine.  Il évaluera mon cas à ce moment.  J'ai hâte d'en finir.  Vous aimeriez ça vous de boire des antibioniques et respirer du Souslevent et du Fridolin ?

Enfin, ça passera... en attendant, je pars à la recherche des lutins de Mémé-Joh.

[2006-01-05]

J'ai eu huit mois hier. Pour fêter ça, Papa et Maman ont passé la journée à me trimballer d'un médecin à l'autre. C'est que j'ai encore des difficultés avec ce chat dans la gorge.  C'est au point où j'ai de la difficulté à respirer.  Maman était très inquiète, alors nous sommes allés voir le médecin.

D'après ce que Papa ma dit, mon chat a fait en sorte que mes tuyaux sont maintenant trop petits et j'ai des méchants microbes qui s'attaquent à mon corps.  J'ai donc besoin de prendre des médicaments.  Les deux premiers, Papa me les donne avec l'aide de pompes et de masques.  Je n'aime vraiment pas ça.  J'ai l'impression d'étouffer à chaque fois! Mais après, ça respire mieux.

De plus, Papa et Maman me donnent des médicaments en les mélangeant à mes céréales. Ils pensent que je ne m'en suis pas rendu compte, mais ce n'est pas vrai. Je le sais, c'est simplement que le goût de ce médicament ne me dérange pas trop.

Ce qui a été le plus désagréable, c'est lorsque je suis allé faire prendre ma photo hier à l'hôpital.  L'infirmière m'a placé dans un gros tube les bras levés. C'était très inconfortable et je me sentais tout pris.  Papa essayait de me rassurer, mais ça ne servait à rien. J'avais très peur.  Heureusement, ça n'a pas duré longtemps.  Tout ça pour voir si je faisais une pneu-manie. Vous savez ce que c'est vous une pneu-manie?

Autre sujet, je suis heureux d'être rentré.  Ce fut très agréable de voir tout le monde, surtout que j'ai été très gâté.  En plus des cadeaux que le Père Noël a laissés chez Grand-Maman Fanfan et Grand-Papa Guy, j'en ai reçu plein d'autres.  Il a laissé chez Mémé-Joh et Pépé-Alain des livres et des disques de contes et de berceuses, chez Tante Louise une grande souris verte avec une magnifique queue à mâchouiller, de beaux vêtements chez Éric et Renée et... j'en ai tellement eu que j'en oublie les détails.  Bref, je suis très content de tout ça.  Par contre, je vais vous confier un secret : ce que j'ai préféré, ce sont les boucles d'emballage, les boîtes et le papier de soie.  C'était ce qu'il y avait de plus amusant.

Pendant la semaine qui a suivi Noël, je suis allé faire un tour chez Mémé-Joh et Pépé-Alain.  J'y ai rencontré Monsieur Mulligan. C'est le chien de Pépé-Alain. Papa m'a dit que c'était un border collie. Moi je l'ai trouvé bien drôle, mais je crois que Papa n'était pas aussi certain.  Monsieur Mulligan et Papa se sont chicanés à quelques reprises.  Et moi qui voulais partager mes jouets avec lui... Maman a refusé ; une histoire de destruction et de chaos. Ce que ça peut être compliqué les grandes personnes!

J'ai eu la chance de revoir Éric, Renée et mon copain Emmanuel. J'ai rencontré pour la première fois Éric, Francine, Angelina et Émilien. Angelina était gentille, elle a partagé quelques-uns de ses jouets avec moi. J'ai également rencontré Mélanie, Denis, Frédérique et Audrey, des amis très chers de Maman.

Bref, j'ai vu beaucoup de monde et j'ai passé beaucoup de temps à voyager et à visiter.  C'était fatigant, mais je suis content de l'avoir fait.  Merci à tous de m'avoir si bien accueilli.

J'ai reçu des lettres de Mémé-Joh hier.  Ça faisait longtemps qu'elle ne m'avait pas écrit.  Ça fait plaisir.  C'était un très beau cadeau pour mes huit mois.  Merci Mémé-Joh.

Comme d'habitude, voici ce qu'elle a écrit :
Galerie des demoiselles, Gatineau,
31 décembre 2005 et suite

31 décembre 2005

C’est ce soir qu’on brûle le vieux calendrier! Ainsi, il emporte avec lui les mauvais souvenirs et nous laisse les bons de l’an passé. Sur la porte du frigo, il cède aussi la place au nouveau calendrier. Tu sais? Toujours celui qui est plein de promesses. C’est très important. Ceci dit …

Bonjour cher Ti-Pooh.

J’ai enfin pu avoir accès à tes plus récents carnets. Mais quelle affaire! Il a fallu que Pépé Alain me donne un coup de pouce pour que je puisse m’y retrouver et, surtout, imprimer tes notes afin de les analyser et de bien y répondre. Faut dire que Mémé-Joh et les pitons ne font pas la paire.

De toute façon, j’ai pu constater que tu babilles beaucoup pour ton âge et en un langage auquel les universitaires ne comprendraient certainement rien. Remarque qu’il ne faut pas leur en vouloir. Ils sont tous comme ça. Après avoir pénétré dans le moulin à jargon, ils ont de la misère à babiller comme tout le monde. Tu imagines donc ce que ce fut pour Mémé-Joh de retracer en ordre chronologique ce que tu as raconté à tous depuis le mois de septembre!

Oh la la! Mon Bobino. Si tu continues ainsi, on te refusera à la garderie. C’est au moins en préscolaire qu’il faudra t’inscrire.

Premier janvier 2006

Mémé-Joh a réussi à remettre en ordre tous tes messages et à identifier toutes tes questions. Ce qu’il y en a des mystères dans ta vie! Heureusement, ce sont tous de beaux et heureux mystères.

Ton papa te dit que tu comprendras plus tard? J’ai bien hâte de voir ça. Je te parie que tu comprendras bien plus tôt qu’il ne le prévoit et j’imagine déjà comment il le découvrira. Si je me fie à ton papa, quand il avait à peu près trois ans, voici comment ça se passera.

Un beau matin, de préférence vers cinq heures, juste avant le lever du soleil, tu le réveilleras en lui disant : « Papa est-ce que je suis assez grand maintenant? ». Il te répondra « Non. Reviens demain et, en attendant, retourne faire dodo ». Le lendemain, tu le réveilleras à la même heure, de préférence alors qu’il n’aura à peu près pas dormi de la nuit, et tu lui diras : « Papa! J’ai compris. Viens que je t’explique ». Il n’aura plus alors un autre choix que celui de t’écouter. Et, ce matin-là, Mémé-Joh et Pépé Alain riront bien!

C’est, vois-tu cher Ti-Pooh, que « l’âge de raison », comme disent ton papa et ta maman, n’arrive jamais à la même date pour tous les enfants. Aussi, peut-être n’auras-tu pas à attendre tes sept ans ou tes seize ans pour découvrir ce qui fut déposé dans le panier de ton baptême. Pourquoi? C’est bien simple. « L’âge de raison », c’est quand on comprend et qu’on sait conserver et préserver ce qui est précieux.

Deux janvier 2006

Le temps est gris. La neige demeure tout de blanc vêtue. La maison est silencieuse. Le chien Mulligan est bien calme. Contrairement à ce que ton papa pense, il n’est pas toujours agité. C’est donc le moment parfait pour amorcer une réponse à tes questions et commentaires.

Commençons par démêler les tantes et tontons car, ma foi, tout vient en double pour toi. En triple même parfois.

Tu as donc deux oncles Claude. Oncle Claude Deschênes, celui qui a officié à ton baptême et l’oncle Claude à Tatianna. Pour ne pas les mêler, je te suggère d’appeler le deuxième Tonton Claudius. C’est un surnom qu’il connaît bien. Son papa, ton arrière-grand-père maternel, l’appelait ainsi quand il était petit, petit comme toi.

Tu as aussi deux tantes Suzanne. Il y a la Tante Suzanne qui t’a porté à ton baptême. Dans le langage d’autrefois, on aurait dit qu’elle était ta porteuse. Je crois qu’elle est la marraine de ta maman. Il y a aussi la Tante Suzanne à TonPaul. Pour la deuxième, qui est aussi ta marraine à toi, pas de problème! Voilà bien 35 ans que nous l’appelons Tantine. Rien ne sert de briser la tradition. Tantine, elle-même, ne s’y reconnaîtrait plus!

Finalement, tu as trois tantes Lucie. Là, ça devient un peu plus compliqué.
Il y a la Tante Lucie À. Côté. Elle, je pense bien que tu pourrais l’appeler Tante Nanou. Remarque que c’est plus joli ainsi qu’en italien. En tout cas, c’est moins cocasse, surtout quand on sait ce que Nanou veut dire en français.
Il y a la Tante Lucie de Québec. Mémé-Joh et cette Tante Lucie se connaissent depuis très, très longtemps. Elle a pris grand soin de ton papa quand il avait ton âge et même beaucoup plus tard. Il paraît d’ailleurs qu’elle se plaît encore beaucoup à recevoir ton papa et ta maman quand ils montent à Québec. Alors, celle-là tu devrais sans doute lui laisser son titre officiel… « Tante Lucie »!
Il y a enfin la Tante Lucie à Tonton Gilles. Tu sais? C’est celle qui veut toujours te prendre la première quand tu arrives et à qui Tonton Gilles dit toujours : « Non, Lucie! Tu ne peux pas l’empoter avec toi ». C’est vrai que Tonton Gilles est bien taquin. Elle est aussi la belle-sœur de Mémé-Joh et Pépé Alain. À elle, il faudrait que tu lui expliques la situation et que tu lui demandes comment elle voudrait que tu l’appelles sans être tout mêlé. Mémé-Joh a bien quelques suggestions, mais elle préfère que tu règles cette très importante affaire avec elle.

Trois janvier 2006, premier volet : le baptême de Nicolas Vincent Xavier

Aujourd’hui, le soleil brille. La neige s’est enveloppée sous une mince couche de glace. Je crois qu’elle voulait se protéger des rayons trop chauds et éviter de fondre. La neige a une curieuse façon de vivre! Le chien Mulligan n’a pas encore mordu ni mangé personne. Ce matin, parce qu’il trouvait que Mémé-Joh prenait trop de temps à se lever, il est venu la réveiller tout, tout doucement. Il m’a dit à l’oreille que je devais continuer à te répondre. Alors, je l’écoute, car il est le chien alpha de la Galerie des Demoiselles.

Je sais, ton papa n’aime pas beaucoup. Mais c’est ainsi. D’ailleurs, dans le temps, Moustache était lui aussi le chien alpha. À cette époque ton papa ne s’en faisait pas trop… en autant que Moustache veuille bien jouer au cow-boy avec lui et ne le tire pas par le fond de culotte quand Papa Guillaume s’apprêtait à faire un mauvais coup.

Où en étais-je? Ah, oui. Toujours en septembre et au jour de ton baptême. Tu sais? Cette fête juste pour toi et à l’occasion de laquelle tu n’as pas eu droit au champagne?

D’abord, à ma souvenance et grâce à Mémé-Joh, tu as eu droit à ta goutte de champagne. Je sais bien que les adultes ont trouvé ça épouvantable. Mémé-Joh a parfois de ces idées folles et politiquement incorrectes. Le pire, c’est qu’elle ne se corrigera apparemment jamais. C’est du moins ce qu’on dit. Mais je vais te confier un secret. De un, il fallait respecter la tradition de Mémé-Joh. Presque tous les bébés de la famille y ont passé et toi aussi. Après tout, tu es un Martin Godbout! De deux, ne le dis à personne. Mais le jour du baptême, le champagne est un excellent antibiotique. De trois, ça fait des enfants pétillants comme je les aime.

Ensuite, voudrais-tu transmettre un message à ton papa pour moi? Bon! Allons-y. Il faudrait que tu lui expliques ceci…

Dans toutes les générations, les cultures, les coins de la planète et de tout temps, on célèbre toujours l’arrivée d’un nouveau bébé. Pourquoi? Parce que chaque nouveau bébé est comme un petit prince ou une petite princesse que la Vie nous donne pour s’assurer que les arbres continueront de pousser, que les blés continueront de mûrir aux champs, que les animaux seront heureux et que la nature humaine continuera à se reproduire. Quand on célèbre l’arrivée d’un nouveau bébé, comme nous l’avons fait pour toi, on salue en même temps une nouvelle promesse d’avenir.

Quand on célèbre l’arrivée d’un nouveau bébé, c’est aussi pour lui dire en fête qu’il est le bienvenu au sein de sa famille, des amis et de la communauté. Pour lui dire qu’il y aura toujours quelqu’un pour l’accueillir s’il est triste et quelqu’un pour rire et célébrer avec lui quand il sera heureux.

Dans ce sens-là, Mémé-Joh croit que tu as eu un vrai baptême. Tu sais pourquoi? Parce qu’en fait, notre Sainte-Mère l’Église catholique, dont tu hériteras quand même de la culture et des valeurs, n’est pas très différente — dans ses rites et traditions — des autres religions et cultures. Tout simplement, elle fait autrement les choses.

Trois janvier, deuxième volet : La visite de Tante Sylvie

Wow! Tu as reçu Tante Sylvie. Tu es pas mal chanceux. Mémé-Joh ne la voit presque plus. Tu parles d’un traitement de faveur. Je suis un peu jalouse. Je me réjouis quand même à l’idée que ta maman et Tante Sylvie se sont bien amusées ensemble. Paraît-il qu’elles ont magasiné pas mal.

Tu ne sais pas ce que veut dire « magasiner »? Mémé-Joh non plus. Mais il paraît que c’est très amusant. D’après ce que Mémé-Joh a compris, c’est une espèce de fête qui consiste à faire le tour d’un centre commercial, à y virer tout à l’envers et à « brûler du plastic », comme dit Tonton Gilles. Tu ne comprends toujours pas? Mémé-Joh non plus! Nous sommes donc quitte.

Toujours es-il que, dit entre toi et moi, je n’ai pas été très surprise d’apprendre que Tante Sylvie t’avait bercé. Elle t’adore! Tu ne m’as pas étonnée non plus en disant qu’elle t’avait donné plein de cadeaux. Celle-là c’est une vraie Tante Gâteau. Je te le jure parce que je la connais pas mal. Devant un enfant, elle ne résiste pas. Elle irait décrocher la lune! Mais n’exagère pas, tout de même. Les « Tantes Gâteaux », il faut en prendre soin et les ménager un peu si on veut les conserver longtemps.

Trois janvier, troisième volet : L’Allo-ouine

Que tu étais beau dans ton costume d’Allo-ouine! Ta maman a très bien réussi ce costume, comme elle réussit tout d’ailleurs.

Je sais. Tu n’aimes pas porter des chapeaux ni des souliers, d’ailleurs. En fait, je crois que tu es un adepte de la théorie de ton arrière-grand-père Jean-Paul. Il disait toujours que les bébés étaient faits pour être tout nus! Pas très confortable à Rimouski et en hiver. Mais telle était la théorie de ton arrière-grand-père maternel.

Pour ce qui est de l’année prochaine, peut-être pourras-tu porter un des costumes que to papa Guillaume a lui-même portés. J’en ai conservé plusieurs. Il y a même deux que ton arrière-grand-mère, Mamie Martin a confectionnés!

Mais sais-tu d’où vient cette tradition de l’Allo-ouine ? On dit qu’elle a plusieurs origines. Celle que je connais vient, je crois d’Irlande, cette verte Irlande dont Jean-Paul a rapporté tant de souvenirs.

En ces temps-là, la verte Irlande était pauvre, très pauvre. Les gens n’avaient presque plus rien à manger. Les petits bébés étaient affamés. Le temps des récoltes n’était plus à la fête parce que les champs n’avaient rien donné. Aussi, les enfants passaient d’une porte à l’autre pour demander la charité. Oh! Ils ne recevaient pas beaucoup. Mais ce qu’on leur donnait était une façon de partager la misère comme on partage parfois le bonheur.

Plusieurs, plusieurs années plus tard, la verte Irlande a vu ses champs recommencer à produire, mais on a gardé la tradition. C’est ainsi qu’à l’Allo-ouine, les enfants reçoivent des friandises et que, dans une petite banque de l’UNICEF, on leur donne des sous pour les enfants qui n’ont rien à manger.

Mercredi, le 4 janvier

Bonjour à nouveau très cher Vincentino.

Comme tu le constates, Mémé-Joh s’y remet à nouveau. Elle doit obligatoirement terminer aujourd’hui sa longue réponse à tes carnets. Autrement, elle se fera gronder. Bien oui! Même Mémé-Joh se fait gronder parfois, surtout lorsqu’elle ne remet pas en temps approprié les résultats de ses étudiants.

Présentement, Pépé-Alain s’exerce à l’aquarelle. Il y avait fort longtemps qu’il n’avait pas repris ses pinceaux. Il réussit encore fort bien. On ne sait jamais. Peut-être qu’un jour Pépé-Alain et ta Maman nous inviterons au vernissage d’une exposition commune! Et puis nous rions aussi beaucoup. C’est que Pépé-Alain a acheté des pinceaux en poils de martre. J’espère que ton papa ne leur mettra pas la main au collet!

Tes derniers carnets m’ont bien fait rire. Tu ne sauras probablement jamais combien j’aime les lire et comment joliment ils font tinter, dans la tête de Mémé-Joh, les clochettes du bonheur et des bons souvenirs.

À ce que j’ai compris, tu as découvert la neige, les plaisirs du traîneau et la frustration des mitaines. Je suis d’accord avec toi. Pas facile de sucer son pouce quand on a les mains prises dans ces affaires qui n’ont même pas de pouces!

À ce que je vois, tu t’es bien amusé malgré tout. J’espère que, au grand froid de Rimouski, avec tes mitaines, ton chapeau et peut-être, l’étole de vison de Tante Rita, tu retourneras glisser longuement avec Maman et Papa. C’est tellement drôle. Mémé-Joh aimait bien, elle aussi, quand elle était petite.

Paraît-il aussi que tu es allé au cirque? Oui? … Bon! … Je parle de ces réunions savantes où « tout le monde s’entasse dans une salle et où il y en a un qui décide d’aller faire le clown en avant » Tu te souviens maintenant? Alors, laisse-moi te dire une bonne chose : tu as bien fait de décider d’y mettre un peu de piquant!

Ton propre Papa n’en a pas fait moins en son temps!

Nous étions en une très sérieuse réunion. Tout petit, petit, ton Papa était présent. À un moment donné, le clown qui était en avant a dit : « Est-ce que quelqu’un a quelque chose à ajouter? » C’est alors que ton père s’est mis à protester. Je ne sais plus trop bien ce que le clown avait raconté, mais ton père n’était pas du tout d’accord. Tout le monde s’est mis à rire et disons que tout le monde s’est détendu d’un seul coup. Je te recommande donc de recommencer la prochaine fois… Mais ne vas surtout pas raconter à tes parents ce que je viens de te dire. Si tu le fais, je n’aurai plus le droit de t’écrire!

Voilà donc cher Ti-Pooh que, d’après tes carnets, j’en suis à Noël… ou presque.

D’abord, c’est bien vrai que chez Mémé-Joh et Pépé-Alain on ne dresse jamais l’arbre de Noël avant le 24 décembre. Dans le temps, on attendait même et toujours ton parrain Éric à qui revenait l’honneur et la charge d’installer la colombe au sommet de l’arbre. Ce que ton Papa ne t’a pas dit c’est qu’on dépouille rarement cet arbre avant le mois de mars. Pourquoi? …

D’abord Mémé-Joh aime beaucoup les vrais sapins de Noël. Elle les garde donc toujours aussi longtemps qu’elle le peut. Ensuite et comme dit Tante Nanou, Mémé-Joh a cette manie de penser que si elle garde le sapin assez longtemps, il finira par repousser dans la maison.

Quant au vieux gros Monsieur qui a réussi à savoir que tu n’étais pas à Rimouski pour la Noël, je tente de t’expliquer…

Il est toujours tout de rouge habillé. Il porte une longue barbe blanche. Il rit beaucoup et aime beaucoup les enfants. D’ailleurs, il les connaît tous, dans tous les coins du monde. C’est pour cette raison qu’il savait que tu ne serais pas à Rimouski à Noël.

C’est un bon Monsieur. Mais un Monsieur pas ordinaire. Il voyage comme les papillons. Il se nourrit avec beaucoup, beaucoup de neige. Il habite le Pôle Nord d’où il surveille tous les enfants du monde et reçoit tout plein de courrier de la part de petits Vincents, comme toi. Il a d’ailleurs sa propre adresse postale. Donc, il existe vraiment. Tu penses! Postes Canada ne donnerait jamais une adresse postale à quelqu’un qui n’existe pas! Il… Il… Il…

Mémé-Joh perd la mémoire! Bang! Heureusement, ton Papa a un texte — publié il y a longtemps dans un quotidien de la capitale canadienne — et qui parle beaucoup du Père Noël.

Mémé-Joh t’embrasse bien tendrement cher Ti-Pooh
Merci Mémé-Joh pour ces belles lettres.  Comme d'habitude, je savais que je pouvais compter sur toi pour répondre à mes questions.  Il faudra maintenant que je demande à Papa ce texte dont tu me parles... et il y a cette Irlande... et il y a... Papa et moi allons avoir de belles discussions au cours des jours à venir.

Sur ce, je crois qu'il est coutume que je vous souhaite à tous une Bonne Année.  Prenez soin de vous et à bientôt.
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